Point de vue

La semaine de 4 jours : un progrès social mais sous conditions

Caroline Luche Rocchia
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La semaine de 4 jours : un progrès social mais sous conditions

Quel est le point commun entre la Belgique, l’Espagne, l’Islande ou encore le Royaume-Uni ? Ces quatre pays ont expérimenté la répartition de l’horaire hebdomadaire collectif sur 4 jours par semaine sans réduire la rémunération. Qu’en est-il en France ?

Au sein de l’Hexagone, ce système avait été un peu oublié depuis une première loi en faveur de la semaine de 4 jours en 1996. Toutefois, il semble être de moins en moins minoritaire dans le contexte post covid que l’on connaît, où de nouvelles formes d’organisations du travail plus flexibles ont été pérennisées, telles que le télétravail. L’on observe que, de manière générale, les entreprises pionnières (LDLC, Yprema, Elmi, Welcome to the Jungle) ayant recours à la semaine de 4 jours sont globalement satisfaites de ce choix.

Le secteur public n’est pas en reste. En pleine turbulence sociale liée à la réforme controversée de la retraite, le pouvoir exécutif s’est également intéressé à cette nouvelle tendance. C’est dans ce contexte que le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé le lancement d’une expérimentation de la semaine de quatre jours dans la fonction publique. Les agents de l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Picardie pourront ainsi tester pendant un an la semaine de 36 heures en quatre jours. Si 70 % des agents de l’Urssaf de Picardie sont favorables à la mesure, seulement un quart y auraient recours.

Si le sujet interroge notamment au regard du profil des entreprises et des salariés qui peuvent avoir recours à ce mode d’organisation du travail, du maintien du lien social entre les équipes ou encore de la disponibilité des collaborateurs concernés, la semaine de 4 jours présente de nombreux avantages :

  • Du côté des salariés, elle leur permet ainsi de bénéficier d’un jour de repos supplémentaire dans la semaine, en plus du weekend ou de leur jour habituel de repos hebdomadaire,
  • Du côté des entreprises, elles témoignent d’une augmentation de leur productivité, une baisse du stress et de la fatigue, une réduction du taux d’absentéisme, une meilleure organisation du travail et une incidence positive sur l’empreinte carbone.

La semaine de 4 jours pourrait également avoir une vertu sociale et sociétale. Si les « cols blancs » peuvent bénéficier du télétravail pour améliorer leurs conditions de travail, la semaine de 4 jours ne serait-elle pas la solution à offrir aux « cols bleus » en contrepartie ?

Nos expériences récentes dans le secteur industriel ont révélé une volonté des entreprises d’adopter ce dispositif à la fois pour répondre à des enjeux RSE mais également de prévention des risques professionnels. En effet, confrontées au vieillissement de leur population ouvrière et aux difficultés pour recruter chez les plus jeunes, la semaine de 4 jours a permis de repenser l’organisation du travail en mettant en place une rotation et une permutabilité des postes, de réduire la pénibilité sur 4 jours au lieu de 5 et ainsi de limiter les effets aggravants liés aux troubles musculosquelettiques (TMS). L’expérience s’est avérée gagnante puisque ces entreprises ont déjà vu une baisse de leurs accidents du travail.

Toutefois, le dispositif doit être réfléchi et adapté à l’organisation du travail.

En amont de la mise en place de ce système, il convient de s’interroger sur les intérêts en présence et les objectifs poursuivis puisqu’il faut bien garder en tête qu’il existe une multitude de possibilités d’organisation de la semaine de 4 jours. Certaines entreprises préfèrent réduire le temps de travail mais ce n’est pas le cas pour la majorité d’entre elles. Il existe aussi des employeurs qui privilégient la mise en œuvre de ce rythme de travail sur certaines périodes de l’année. Parfois, le jour non travaillé est commun à tous les salariés alors que dans d’autres hypothèses, il diffère. Le jour non travaillé peut être fixe mais aussi variable etc.
 
En principe, il est recommandé de mettre en place la durée hebdomadaire de travail répartie sur 4 jours par accord collectif en vue de privilégier le dialogue social. Néanmoins, il est également possible pour l’employeur de prendre une décision unilatérale, après avis conforme du Comité social et économique et information de l’Inspection du travail. Dans tous les cas, il convient d’être vigilant quant aux stipulations de la convention collective applicable à l’entreprise sur le sujet.

Le succès dans la mise en place de ce dispositif suppose, selon notre retour d’expérience clients, une phase d’expérimentation de 3 à 6 mois renouvelable, un comité de suivi paritaire avec les partenaires sociaux et la médecine du travail s’appuyant sur des indicateurs précis sur la charge de travail et l’organisation de celui-ci. Enfin, la mise en place d’un tel dispositif implique de garantir l’accès sur la base du volontariat et le principe de réversibilité.

Les salariés doivent être accompagnés dans la nouvelle organisation du travail, ce qui suppose d’une part, une bonne communication de la part de l’employeur, et d’autre part, de laisser un temps d’adaptation au salarié afin qu’il puisse revoir la gestion de son emploi du temps et s’habituer à un rythme de travail potentiellement plus intense car plus condensé.

En tout état de cause, le nouveau fonctionnement de l’entreprise ne doit pas porter une atteinte excessive au droit, au repos ou au respect de la vie personnelle ou familiale du salarié. En effet, pour les entreprises qui optent pour les 4 jours par semaine sans réduction du temps de travail, les journées sont plus denses et l’employeur demeure tenu à des obligations liées à la santé et à la sécurité des salariés.

La semaine de 4 jours : un progrès social mais sous conditions

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