L’imposition des versements au profit des bénéficiaires de trusts dépend de l’origine des sommes ou des biens distribués. Ils peuvent être soumis à l’impôt sur le revenu, aux droits de succession ou être exonérés. L’enjeu est donc crucial.

Distributions des trusts : produits ou capital ?

Le trust est un concept de droit étranger qui n’a pas d’équivalent en droit civil français. 

La loi de finances rectificative pour 2011 a cependant fixé des règles d’imposition spécifiques pour l’application de l’impôt sur le revenu et des droits de succession pour les trusts étrangers ayant un lien avec la France, notamment lorsque les bénéficiaires sont des résidents fiscaux français. Ces règles se caractérisent par un système dual.

En effet, le trust est considéré comme opaque pour l’application de l’impôt sur le revenu, (article 120, 9° du Code Général des Impôts) : les produits distribués par un trust sont imposables uniquement l’année de leur versement aux bénéficiaires (et non l’année de leur réalisation). 

A l’inverse, le trust est réputé totalement transparent pour l’application des droits de succession (article 792-0 bis du CGI) : les droits sont exigibles au décès du constituant sur la valeur du capital (biens, droits et produits capitalisés) du trust au jour du décès, même en l’absence de distribution effective de l’actif aux bénéficiaires. 

Or, la loi reste muette sur la synchronisation de ces deux impôts : comment qualifier la distribution entre produits soumis à l’impôt sur le revenu et capital entrant dans le champ des droits de succession ?

Les commentaires administratifs indiquent que les distributions de produits du trust étant taxées à l’impôt sur le revenu, elles ne sont pas en principe imposées aux droits de succession.

Toutefois, ils ajoutent que le bénéficiaire de la distribution ou l’administrateur du trust « devra être en mesure d’apporter à l’administration fiscale les éléments permettant de justifier la qualification de produits des sommes concernées ainsi que leur montant ».

A chaque versement, les administrateurs doivent ainsi être en mesure d’informer les bénéficiaires sur la nature exacte des distributions effectuées afin qu’ils puissent les déclarer correctement.

Décisions récentes sur la charge de la preuve

La Cour Administrative d’Appel de Paris a rendu  deux décisions concernant la charge de la preuve de la qualification des distributions, à 18 mois d’intervalle. 

Dans la première affaire (21 avril 2023, n°20PA02868), l’administration fiscale avait taxé les distributions à l’impôt sur le revenu. Les versements en cause avaient été effectués en 2012 et 2013 par un trust américain, constitué par le père du bénéficiaire, décédé en 2008. Le bénéficiaire soutenait notamment que ces versements ne pouvaient être taxés à l’impôt sur le revenu car les actifs concernés avaient déjà été soumis aux droits de succession au décès de son père. 

Pour étayer sa demande, l’administration s’était appuyée sur les documents que les autorités fiscales américaines lui avaient transmis.

La Cour a jugé notamment que l’administration n’apporte pas la preuve que les distributions constituent des produits imposables à l’impôt sur le revenu, car le terme anglais « distributions » utilisé dans les documents ne permettait pas d’identifier la nature des sommes distribuées, et qu’aucun des formulaires de déclaration souscrits par le trustee ne mentionnait de distributions de revenu aux bénéficiaires.

Dans cette décision, le juge fait peser la charge de la preuve sur l’administration, qui doit apporter des éléments pertinents sur la qualification des distributions en tant que produits pour pouvoir les taxer à l’impôt sur le revenu. 

Dans la seconde affaire (11 octobre 2024, n° 22PA03139), le sujet était similaire. Un trust canadien avait versé des sommes à un bénéficiaire français qui ont été soumises à l'impôt sur le revenu par l'administration fiscale.

La Cour a confirmé le redressement car les justificatifs communiqués par le contribuable, contestés par l’administration, n’étaient pas suffisants pour prouver qu’il s'agissait d'une distribution de capital. 

La Cour ne revient pas sur le principe selon lequel une distribution de capital n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu. Elle évolue toutefois sur la répartition de la charge de la preuve qu’elle fait désormais peser sur le contribuable. 

Recommandation

Cette dernière décision va dans le sens d’une présomption de qualification des distributions effectuées par les trusts en produits soumis à l’impôt sur le revenu : c’est au contribuable de rapporter la preuve de la qualification en capital, à défaut, les distributions seront soumises à l’impôt sur le revenu. 

Aussi, quelle que soit l’évolution de la jurisprudence sur ce sujet, nous ne pouvons que recommander aux administrateurs des trusts, ayant des bénéficiaires résidents fiscaux français, de tenir une comptabilité et documents permettant de retracer l’origine des sommes versées aux bénéficiaires, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une  distribution de capital qui a été déjà taxée aux droits de succession. 

En pratique, cet exercice, requis du fait des règles d’imposition françaises, peut s’avérer compliqué à saisir pour des administrateurs étrangers. Mais, cet exercice est indispensable. A défaut, les distributions de capital risquent de subir une double imposition si elles sont qualifiées de produits soumis à l’impôt sur le revenu.

Notre équipe se tient à votre disposition pour conseiller les administrateurs ou bénéficiaires de trusts sur ce sujet.

Trusts : justifier la nature des distributions reçues

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