La pénalisation du droit fiscal constatée ces dernières années est une tendance à laquelle n’échappe pas le contentieux des prix de transfert. La fin du « verrou de Bercy » en 2018 associée au renforcement du contrôle fiscal des prix de transfert en France et à l’application de pénalités de plus en plus systématique entraîne un risque accru de transmission automatique des dossiers au Parquet et, partant, de sanctions pénales pour le contribuable et son dirigeant. *

La fin du « verrou de Bercy » via la mise en place d’une procédure de transmission automatique des dossiers fiscaux au Parquet

La loi du 23 octobre 2018 a partiellement mis fin au « verrou de Bercy », lequel octroyait à l’administration fiscale le monopole des poursuites pénales pour fraude fiscale.

Cette loi a introduit dans la législation française, à l’article L.228, I du Livre des procédures fiscales (« LPF »), des dispositions prévoyant l’obligation pour l’administration fiscale de transmettre automatiquement au Ministère Public les affaires les plus graves.

La transmission automatique au Parquet a lieu sous certaines conditions. Le contrôle fiscal doit en effet porter (i) sur des droits rappelés dont le montant est supérieur à 100 000 € et doit avoir conduit à l’application :

ii. soit de la majoration de 100% prévue à l’article 1732 du code général des impôts (« CGI ») ;

iii. soit de la majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses prévue notamment à l’article 1729 du CGI ;

iv. soit de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue notamment à l’article 1729 du CGI lorsqu’au cours des six années civiles précédant son application le contribuable a déjà fait l’objet d’un précédent contrôle de l’application des majorations susmentionnées.

C’est au stade de la mise en recouvrement que s’apprécie l’application desdites majorations, sauf pour les cas où une transaction aurait été conclue avant la mise en recouvrement. Dans une telle hypothèse, leur application s’apprécie au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable.

Ainsi, aucun transfert n’est opéré avant l’émission d’un avis de mise en recouvrement.

Des conséquences tant pour le contribuable que pour son dirigeant

Le dossier ayant été transmis au Parquet, c’est au procureur de décider de l’opportunité des poursuites. En pratique, outre les contraventions et délits de droit commun, la procédure peut mener à la caractérisation du délit général de fraude fiscale prévue à l’article 1741 du CGI. Indépendamment des sanctions fiscales, l’auteur de la fraude s’expose à une amende de 500 000 € au plus (dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction) et à une peine d’emprisonnement de cinq ans.

Notons par ailleurs que, comme bien souvent en matière pénale, la réputation du groupe en cause est susceptible d’être significativement impactée.

Des chiffres en hausse

Le cahier statistique récemment publié par la DGFiP fait état de 1 444 dossiers automatiquement transmis à l’autorité judiciaire en 2023, contre 1 373 en 2022 et 1 217 en 2021.

9,41% des contrôles répressifs menés par l’administration (i.e., les opérations de contrôle sur place donnant lieu à l’application de majoration de 40% ou plus) ont donné lieu à une transmission au Parquet en 2023, contre 9,12% en 2022 et 8,78% en 2021.

Les prix de transfert, un domaine propice à l’application de l’article L.228, I du LPF

La pratique de l’administration en matière de contrôle des prix de transfert révèle une application quasi systématique des pénalités de 40% pour manquement délibéré.

Cette tendance des services vérificateurs est illustrée par de récents exemples jurisprudentiels (TA Lille, 7è ch., 15 septembre 2023, n°2003063, SAS Wollux Diffusion, et CAA Versailles, 1ère ch., 7 mai 2024, n°22VE01664, SAS Medical) et s’explique par un terrain propice inhérent à la matière.

Outre le constat d’une attention accrue de la part du législateur et un durcissement du contrôle des prix de transfert rendu possible par la loi de finances pour 2024, les prix de transfert trouvent à s’appliquer entre entreprises associées présentant une communauté d’intérêts pouvant ainsi faire présumer le caractère intentionnel des parties, de la même manière que l’appartenance à un groupe multinational peut faire présumer du caractère averti de celles-ci.

Par ailleurs, force est de constater que les analyses économiques justificatives et formalisations contractuelles sont souvent réalisées a posteriori.

Enfin, les montants des redressements sont quant à eux souvent significatifs, aboutissant à des droits rappelés excédant souvent le seuil de 100 000 € requis pour l’application de l’article L.228, I du LPF.

Lorsque l’engagement de poursuites pénales ne peut être évité, la voie transactionnelle, à laquelle la matière des prix de transfert se prête volontiers, s’ouvre aux contribuables. Les litiges peuvent notamment donner lieu à la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public (« CJIP ») visant à éviter un procès pénal long et à l’issue financière incertaine (à titre d’illustration : CJIP conclue le 31 mai 2022 entre le Procureur de la République Financier et McDonald’s France, McDonald’s System of France LLC, MCD Luxembourg Real Estate).

Notre expertise

Afin d’éviter qu’une rectification suivie d’un avis de mise en recouvrement ne soient émis à l’encontre du contribuable entrainant ainsi la transmission automatique du dossier fiscal au Parquet, il est fondamental d’établir une stratégie de défense robuste dans le cadre du débat oral et contradictoire ainsi que durant la phase de procédure écrite.

Les prix de transfert n’étant pas une science exacte, la matière laisse le champ libre à l’instauration d’une stratégie de négociation au cours de laquelle il est indispensable de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin d’échapper à la réunion des conditions d’application de l’article L.228, I du LPF.

Le département Prix de transfert du cabinet Grant Thornton Société d’Avocats dispose à cet égard d’une expertise reconnue en matière d’assistance à contrôles et contentieux fiscaux et de règlements d’ensemble.

La pénalisation des prix de transfert

La pénalisation des prix de transfert

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