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La défense de vos droits : détection des atteintes, précontentieux et contentieux
Parmi les mesures prises en application de la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19, diverses ordonnances avait été publiées le 26 mars dernier, dont celle portant prorogation des délais et adaptation des procédures (n°2020-306) et celle portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire (n°2020-304).
Si le sort des procédures contentieuses, notamment en matière prud’homale, était alors clairement fixé (cf. notre alerte sociale du 16 avril 2020 « Les délais et procédures des contentieux en matière sociale à l’épreuve de la pandémie »), les textes avaient néanmoins laissé un flou quant à leur applicabilité aux délais et procédures hors contentieux relevant du Code du travail.
Le doute était d’autant plus légitime s’agissant des procédures nécessitant l’intervention de la Direccte, à l’instar de la rupture conventionnelle homologuée ou du licenciement d’un salarié protégé, l’ordonnance n°2020-306 ayant institué un mécanisme de suspension/report des délais imposés à l’Administration pendant la période dite « juridiquement protégée ». Celle-ci doit prendre fin à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, initialement prévue au 24 mai mais qui pourrait être prorogée au 24 juillet selon le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 2 mai dernier.
La Direction Générale du Travail (DGT) a, dans une instruction du 7 avril 2020, détaillé l'application de ces mesures d'urgence en matière d'autorisation administrative de licenciement et/ou transfert des salariés protégés, précisant que l'ordonnance susvisée, de portée générale, trouvait donc à s'appliquer dans ces cas.
Si la DGT n’évoque pas les ruptures conventionnelles dans son instruction, dès lors que ces procédures impliquent également une décision de l’Administration qui doit être rendue au terme d’un certain délai, la profession s’est accordée à considérer qu’elles étaient pareillement concernées par les dispositions de l’ordonnance n°2020-306.
Exceptées donc ces procédures spécifiques, il convenait de comprendre que le Code du travail était effectivement exclu des mesures de report et de suspension organisées par l’ordonnance susvisée, ce qui ne laissait toutefois pas sans questionnement les entreprises devant faire face à des situations singulières nouvelles et désireuses de respecter, dans la mesure du possible, le cadre juridique en matière sociale.
S’agissant des délais et procédures en matière de relations collectives, plusieurs textes sont toutefois venus régler quelques-unes des problématiques notamment matérielles qui pouvaient légitimement se poser pendant cette période de crise, comme la question de la tenue des réunions avec les partenaires sociaux.
Ainsi, l’ordonnance portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel (n°2020-389), publiée le 2 avril avec quatre autres ordonnances prises en matière de droit du travail, prévoit les ajustements suivants :
- Autorisation de tenir les réunions du Comité Social et Economique (CSE) par visioconférence ou audioconférence, voire par messagerie instantanée si ces deux solutions ne sont pas praticables ;
- Suspension/report du processus électoral jusqu’à 3 mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire, dispense d’élections partielles et maintien de la protection des élus pendant cette suspension ;
- Adaptation de la procédure de consultation du CSE pour tenir compte des dérogations à la règlementation sur les congés payés et la durée du travail.
Deux ordonnances publiées le 23 avril et le 3 mai (n°2020-460 et n°2020-507), complétées par un décret également publié le 3 mai (n°2020-509), finalisent les mesures d’adaptation visant le CSE en réduisant les délais de communication d’ordre du jour, de consultation et d’expertise s’agissant de toutes les décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Quant à la négociation collective, une ordonnance publiée le 16 avril (n°2020-428), complétée par un décret publié le 18 avril (n°2020-441), réduit certains délais dans le cadre de (i) la négociation des accords d’entreprise et (ii) la procédure d’entrée en vigueur et d’extension des accords de branche.
Par ailleurs, cette même ordonnance a ajouté à la liste des exceptions au principe de suspension et de report, initialement mis en œuvre par l’ordonnance n°2020-306, le domaine de la sauvegarde de l’emploi et de l’activité et de la sécurité des relations de travail, un décret devant déterminer les catégories d’actes, procédures et obligations pour lesquels le cours des délais reprend.
C’est chose faite avec la dernière mesure à avoir été adoptée par le Gouvernement sur les délais en matière sociale : le décret n°2020-471 du 24 avril 2020, publié le 25 avril, qui vient fixer les délais dérogeant au principe de suspension dans le domaine du travail et de l'emploi.
Ce décret dresse ainsi une liste de procédures en la matière qui font donc exception au régime temporaire de suspension et de report des délais.
Trois hypothèses peuvent être distinguées :
- Hypothèse n° 1 : les délais qui commencent à courir à compter du 26 avril 2020 s’écoulent normalement, selon les règles de droit commun ;
- Hypothèse n° 2 : les délais qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars et le 25 avril 2020, mais dont le départ avait été différé en application du mécanisme de report, commencent à s’écouler à compter du 26 avril 2020 ;
- Hypothèse n° 3 : les délais qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020, mais qui ont été suspendus à compter de cette date, ont repris leurs cours à compter du 26 avril 2020.
Sont notamment concernés les actes, procédures et obligations suivants :
- En matière de rupture du contrat de travail : validation ou homologation administrative de l’accord collectif relatif au plan de sauvegarde de l’emploi/de la rupture conventionnelle individuelle/d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective ;
- En matière de durée du travail : décisions administratives en matière de dérogations aux durées maximales de travail/aux durées minimales de repos ; autorisation de recours aux équipes de suppléances/au travail de nuit ; etc.
- En matière d’épargne salariale : possibilité pour l’administration d’émettre des observations au dépôt de l’accord ;
- En matière d’hygiène et sécurité : mise en demeure administrative après constat d’une exposition dangereuse du salarié ; demande de procéder à la vérification de la conformité de divers équipements et installations/du respect des obligations relatives à la prévention de certains risques ; décision d’autorisation de la reprise de l’activité/des travaux après mise à l’arrêt temporaire ; etc.
La vigilance des entreprises reste le maître-mot quant à leurs obligations en matière sociale pendant cette période de crise sanitaire ; si des précisions ont été apportées quant aux procédures concernées ou non par les adaptations applicables, l’articulation des règles est complexe et malheureusement – mais fatalement, des zones d’ombre demeurent.
Auteurs : Caroline Luche-Rocchia, Avocate, Associée en droit du travail et Maïlys Tixier, Avocate