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Alerte sociale

Contentieux : quels enseignements tirer des premières affaires rendues ?

Comment préparer son plan de déconfinement vis-à-vis de ses collaborateurs ? Que nous apprennent les premières décisions de justice rendues dans le contexte de la pandémie ?

Comme évoqué dans notre article du 9 mars 2020, les entreprises sont plus que jamais confrontées au dilemme entre la reprise de l’activité, qui se fera de manière progressive et l’obligation d’assurer la sécurité de leurs salariés.

Certaines entreprises, ou associations, poursuivent leur activité tandis que d’autres ont mis en place les mesures prescrites par le gouvernement : télétravail, imposition des congés payés et jours de repos, activité partielle. Néanmoins, en vue du déconfinement annoncé le 11 mai prochain, les entreprises doivent désormais se préparer à prendre toutes les mesures nécessaires afin de reprendre leur activité tout en respectant leur obligation de sécurité.

La récente actualité judiciaire concernant des entreprises qui ont poursuivi leur activité durant le confinement est riche d’enseignement et laisse augurer un contrôle particulièrement strict par les juges.

Dans les affaires ADAR, La Poste, Carrefour Market et Amazon, les juges ont condamné les entreprises en leur reprochant l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie et en concertation avec les salariés après consultation du CSE ainsi que l’insuffisance des mesures prises en contravention avec les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail.

La Cour d'Appel de Versailles vient de confirmer la décision de première instance en intimant de nouveau sous 24 heures à l’entreprise de « procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 », tout en l’assouplissant, en y ajoutant une liste précise des rubriques considérées comme ressortant des produits essentiels et réduisant l’astreinte initialement fixée à 1 million d’euros à 100 000 euros par jour et par infraction constatée.

La Poste a également été condamnée pour ne pas avoir pris en compte les risques liés au retour des fonctions support pour sa future réouverture.

Dans ces conditions comment préparer son plan de déconfinement ? Que nous apprennent les premières décisions de justice rendues dans le contexte de la pandémie du covid-19 ?

 

Une obligation capitale autour du Document Unique d’Evaluation des Risques « DUER »

Les entreprises doivent mener une évaluation adaptée au contexte d’une pandémie et prendre des mesures substantielles, précises, variées et adaptées au secteur et aux postes concernées.

La préparation d’un plan de déconfinement en lien avec un plan de continuité d’activité (PCA) et la mise à jour du DUER sont essentiels afin de garantir le respect de l’obligation de sécurité et de permettre une reprise progressive de l’activité de l’entreprise.

Ces décisions viennent préciser certains points quant aux risques qui doivent figurer dans le document.

Ces risques doivent être appréciés selon les sites, les postes, et aller au-delà de la simple fourniture de gel hydroalcoolique ou de masques.

  • Prévoir des mesures strictes lorsque les postes empêchent le respect de la distanciation conseillée, lorsque les parties communes de l’entreprise (tourniquet, vestiaires, restaurant d’entreprise et cafétéria) empêchent de garantir un respect des gestes barrières ;
  • Prendre en compte les risques psycho-sociaux causés par le covid-19, la modification de l’organisation et des conditions de travail, les risques inhérents au télétravail (isolement, hyper-connectivité, difficile articulation de la vie privée et de la vie professionnelle) ;
  • Prévoir des mesures en cas de cas avéré dans l’entreprise, accompagnement des salariés malades, procédures de nettoyage des locaux ;
  • Prévoir des procédures de recherche des personnes en contact avec des cas infectés, des procédures de sécurité pour les prestataires externes ;
  • Prévoir toutes les mesures pour limiter le contact des salariés entre eux, l’accès aux établissements de l’entreprise en mettant en place toutes les alternatives possibles : solde des congés (avant le 31 mai), jours de repos, formation, télétravail ou encore des aménagements du travail (changement horaire pour éviter les heures de pointe, rotation, polyvalence, etc.);
  • Prévoir également les risques indirects comme la baisse de sécurité sur certains postes dû à la réduction d’effectif.

La présente liste n’est bien évidemment pas exhaustive et n’est pas applicable à toutes les entreprises, les risques devant être évalués en fonction des établissements de l’entreprise.

Les décisions montrent que le document de prévention doit aller au-delà des quelques mesures prévues et communiquées par le gouvernement, les gestes barrières, les stocks de gel hydroalcooliques, les masques ne suffisent plus.

 

Une nécessité d’impliquer les institutions représentatives du personnel (CSE, organisations syndicales) et d’en rapporter la preuve

Les juridictions mettent l’accent sur l’intégration des IRP dans toutes les mesures prises par l’entreprise face au covid-19 et plus seulement celles axées sur la sécurité des salariés. En effet, bien que la consultation des IRP ne soient pas obligatoire pour toutes les mesures prises par l’employeur, la crise sanitaire implique que pour que toutes les mesures efficaces de lutte contre la propagation des salariés et de sécurités des salariés soient prises en concertation avec le CSE.

Le problème de la preuve est d’autant plus important que la décision Amazon insiste sur la nécessité de rapporter les preuves écrites : consultation des IRP, accord, désaccord, PV des réunions, preuves écrites de la communication des mesures aux salariés, preuve d’affichage. Apposer la date afin d’en renforcer la preuve paraît également essentiel afin d’être paré à tout éventuel contentieux issu de la reprise de l’activité de l’entreprise.

 

La place du salarié dans la prévention des risques n’est pas en reste

Tel que rappelé par la décision La Poste, le salarié est un acteur central dans la prévention des risques liés au covid-19.

L’employeur est tenu de sensibiliser et de former les salariés si nécessaire aux consignes d’hygiène et l’utilisation des moyens de protection, notamment à travers d’exercices pratiques.

Il devra en outre informer et sensibiliser tous les salariés sur la démarche de prévention et en particulier en ce qui concerne les remontées individuelles des risques de contagion qui devront être strictement encadrées. Pour anticiper d’éventuelles mises en jeu de responsabilité, les entreprises devront conserver toutes les consignes écrites et rapporter la preuve des formations organisées.

N’hésitez pas à associer le médecin du travail et les services de santé de l’entreprise qui seront des acteurs déterminants pour évaluer les risques et prévoir les mesures les plus adaptées.