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L’Administration fiscale a commenté le 3 février 2021, les derniers aménagements apportés par la loi Pacte et la loi de finances pour 2020 au régime des Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise (BSPCE). L’occasion pour nous de revenir en quelques questions sur les principales caractéristiques et les avantages de ce dispositif d’intéressement et de fidélisation des salariés dédiées aux start-ups (BOI-RSA-ES-20-40).
Un bon de souscription de parts de créateur d’entreprise (« BSPCE ») est un instrument juridique intuitu personae permettant d’intéresser les salariés ou mandataires sociaux d’une entreprise à ses résultats futurs dans un cadre fiscal favorable.
Juridiquement, il s’agit d’une option qui donne à son bénéficiaire, sous certaines conditions, le droit de souscrire à une action de la société émettrice à un prix fixé de manière définitive lors de son attribution, le strike price.
L’émission de BSPCE permet d’aligner les intérêts des salariés et ceux de la société émettrice.
D’un côté, le salarié bénéficiaire de BSPCE participe à la croissance de l’entreprise et à l’augmentation conséquente de sa valorisation future puisque les BSCPE lui donne la possibilité de réaliser un gain en cas d’appréciation de la valeur de l’action de la société émettrice entre la date d’attribution du bon et la date de cession de l’action issue de l’exercice du bon. En pratique, l’attribution de BSPCE sera un moyen puissant de renforcer l’implication des salariés dans le projet d’entreprise.
De l’autre, la société renforce sa capacité à attirer de nouveaux talents en leur proposant des packages financiers attractifs allant au-delà du niveau de rémunération fixe ou variable proposé et ce, sans impact pour sa trésorerie. A l’heure où les entreprises se livrent à une véritable guerre des talents, le recours à ce type de dispositif est devenu un enjeu stratégique d’attractivité pour de nombreuses entreprises.
De même, les conditions attachées à l’exercice des BSPCE, notamment le calendrier d’exercice (vesting) ou l’insertion d’une clause de présence, contribueront à fidéliser les salariés en évitant qu’ils ne partent (trop tôt) à la concurrence.
Enfin, contrairement à d’autres mécanismes d’intéressement tels que les actions gratuites (AGA), l’attribution de BSPCE n’engendre pas de coût pour la société émettrice. Par ailleurs, le bon est gratuitement attribué au bénéficiaire qui n’aura rien à débourser tant que le bon n’est pas exercé.
Les BSPCE sont principalement utilisés par les start-ups du fait des conditions strictes posées par l’article 163 bis G, II du Code général des impôts.
Pour être éligible au dispositif, l’entreprise doit :
- être une société par actions (SA, SCA ou SAS) soumise à l’impôt sur les sociétés en France ;
- être immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans ;
- avoir un capital détenu directement et de manière continue par des personnes physiques au moins à hauteur de 25% ou par des personnes morales, dont le capital est directement détenu au moins pour 75% par des personnes physiques.
Ces conditions ont été assouplies par la loi de finances pour 2020. En effet, depuis le 1er janvier 2020, les BSPCE peuvent être attribués par une société ayant son siège dans un État de l'Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale et soumise, dans cet État, à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés.
Bien évidemment, ces sociétés étrangères devront respecter les conditions posées par la loi française pour bénéficier du cadre juridique et fiscal favorable.
Alors que les sociétés créées dans le cadre d'une restructuration, d'une concentration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes ne peuvent pas attribuer des BSPCE, par exception, si toutes les sociétés prenant part à l'opération répondent aux conditions visées ci-dessus ou si la société est créée par essaimage, l’attribution sera alors possible.
Enfin, les sociétés cotées peuvent également émettre des bons à condition d’avoir une capitalisation boursière inférieure ou égale à 150 millions d’euros.
Les BSPCE peuvent être attribués à tous les salariés de la société ainsi qu’aux dirigeants dès lors que ces derniers sont soumis au régime fiscal des salariés (président, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire). Ils peuvent également être attribués aux salariés et dirigeants des filiales détenues au moins à 75% répondant aux conditions exposées plus haut.
Depuis le 23 mai 2019, s’ajoutent à ces catégories de bénéficiaires, les membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance et, dans les SAS, les membres de tout organe statutaire équivalent.
En pratique, ce dispositif doit-il être ouvert à tous les salariés ou seulement à certains d’entre eux, notamment les salariés de la première heure ou le top management ? La question ne peut être tranchée, chaque situation étant particulière.
En effet, certaines entreprises décideront d’attribuer des BSPCE à tous leurs salariés ce qui aura un effet dilutif sur le capital même si le pourcentage du capital potentiellement attribué sous forme de BSPCE est généralement peu significatif, allant de 10% pour les premières levées de fonds jusqu’à 15% pour les tours suivants.
D’autres sociétés préfèreront au contraire réserver ce dispositif à une partie seulement de leurs salariés, voyant au contraire l’attribution de BSPCE à tous les salariés comme un facteur de complexité quant à la gestion des relations entre actionnaires. En effet, en pratique, la société émettrice fera signer à chaque titulaire de BSPCE, un mini pacte d’associés encore appelé engagement contractuel qui régira les droits et obligations qui s’imposeront aux salariés devenus associés après exercice de leurs bons.
Or, ce document devra être mis à jour lors de chaque tour de table réalisé par la société ce qui pourra s’avérer complexe à gérer en pratique si le nombre de salariés concernés est conséquent.
Les BSPCE doivent être émis dans les conditions prévues par les articles L. 288-91 et L. 288-92 du Code de commerce régissant l’émission de valeurs mobilières.
L’émission doit ainsi être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire ou, pour les SAS, par la collectivité des associés, sur présentation d’un rapport de l’organe de direction (conseil d’administration, directoire ou président) et d’un rapport spécial du commissaire aux comptes, s’il en existe un au sein de la société. En pratique, les associés réunis en assemblée générale délégueront, le plus souvent, cette compétence d’attribution et le soin de fixer la liste des bénéficiaires à l’organe de direction.
Les associés devront renoncer individuellement ou collectivement à leur droit préférentiel de souscription des bons au profit des bénéficiaires ou d’une catégorie de bénéficiaires. En revanche, les associés seront réputés avoir renoncé expressément à ce droit pour la souscription des actions résultant de l’exercice des BSPCE.
L’augmentation de capital résultant de l’exercice des bons est décidée lors de l’attribution. Il sera précisé que le délai de cinq ans de droit commun pour la réalisation d’une augmentation de capital1 n’est pas applicable. Toutefois, l’attribution des bons devra avoir lieu dans les dix-huit mois qui suivent l’assemblée générale l’ayant décidée ou ayant décidé la délégation2.
Par cette décision seront fixés le prix d’exercice, le délai et les conditions d’exercice des BSPCE.
- La fixation du prix d’exercice des BSPCE
Chaque BSPCE donne le droit de souscrite une action à un prix fixé par la décision d’attribution. Son exercice est facultatif mais on ne verrait pas pour quelle raison le salarié déciderait de ne pas exercer son droit d’option, sauf si le prix d’exercice du bon s’avérait in fine supérieur à la valeur des actions de la société. Ce sera, par exemple, le cas si les actions de la société émettrice sont cédées à un prix par action inférieur au prix d’exercice des BSPCE fixé lors de leur attribution.
Le prix d’exercice fixé lors de l’attribution des BSPCE doit refléter la valeur de marché de la société. A défaut, l’administration fiscale serait susceptible de requalifier l’attribution des bons en complément de salaire soumis à l’impôt sur le revenu.
Une règle spéciale prévoit la possibilité de fixer le strike price par référence aux prix des actions émises lors d’une augmentation de capital de la société intervenue il y a moins de six mois.
Depuis le 23 mai 2019, ce prix peut toutefois être diminué de l’équivalent de la perte de valeur économique de l'action de la société constatée depuis cette dernière émission. En cas de forte décote du prix d’exercice retenu, il sera recommandé de faire procéder à une évaluation indépendante de la société par un tiers afin de réduire le risque de contestation éventuelle.
Une flexibilité supplémentaire a été introduite depuis le 1er janvier 2020. Dans le cas où les droits des actions issues des BSPCE ne sont pas au moins équivalents à ceux des actions émises lors d'une augmentation de capital réalisée il y a moins de six mois, le prix d'émission retenu pour l'augmentation de capital pourra, le cas échéant, pour déterminer le prix d'exercice des BSPCE, être diminué d'une décote correspondant à cette différence de droits (CGI art. 163 bis G, III-al. 1 modifié par loi 2019-1479 du 28-12-2019).
Concrètement, cette règle sera applicable lorsque l’augmentation de capital réalisée dans les six mois précédent l’attribution des BSPCE, se fera via l’émission d’actions de préférence conférant par exemple à leurs titulaires des droits préférentiels en cas de liquidation ou de distribution de dividendes, ce type d’actions ayant une valeur supérieure à des actions ordinaires.
- Les conditions de vesting
En pratique, l’exercice du bon sera soumis à diverses conditions librement définies par les associés. Toutefois, ces conditions devront être réalisables et leur réalisation ne pourront dépendre exclusivement de la volonté de la société. Autrement, les clauses les prévoyant seraient réputées nulles3.
S’agissant des conditions temporelles, le calendrier d’exercice, dit vesting, déterminera le rythme auquel les bons deviennent exerçables. Ceux-ci pourront être immédiatement exerçables ou le devenir par tranches à l’issue de chaque période fixée dans le plan d’attribution.
Il peut être prévue une période, dite de cliff, pendant laquelle aucun BSPCE ne sera exerçable. Dans ce cas, la première tranche de BSPCE ne sera exerçable ipso facto qu’à la fin de cette période, généralement fixée à un an. Les entreprises décident classiquement d’attribuer ces bons sur une période de quatre ans (48 mois). Durant cette période, les bons deviennent exerçables par tranches, classiquement d’un ou trois mois.
Par exemple, si une entreprise décide d’attribuer 480 bons sur quatre ans (48 mois) par tranches de trois mois (3/48èmes) avec une année de cliff, le bénéficiaire serait en mesure d’exercer 120 BSPCE à la fin de la première année, puis il pourra exercer 30 BSPCE supplémentaire tous les trois mois. A la fin de la période de quatre ans, la totalité des BSPCE seront ainsi devenus exerçables.
Le plan d’attribution pourra également prévoir une clause dite d’accélération, par laquelle une fraction ou la totalité des BSPCE deviendront exerçables en raison du changement de contrôle de la société émettrice. Cette clause viendra toutefois diminuer la valeur de l’entreprise car le potentiel acheteur devra prévoir, en sus du prix d’acquisition des actions rachetées, un budget complémentaire pour « refidéliser » les salariés qui auront précédemment exercés leurs BSPCE au titre de la clause d’accélération.
- Les conditions objectives ou de performance
Le plan d’attribution pourra également prévoir des conditions objectives en sus des conditions temporelles, telles que des conditions de performance du bénéficiaire ou de la société (par exemple l’atteinte de seuils de chiffre d’affaires, de bénéfice d’exploitation, de marge brute ou encore l’atteinte d’objectif environnementaux, etc.).
Le plan pourra enfin prévoir des conditions de présence du salarié au sein de l’entreprise. En principe, les bénéficiaires de BSPCE peuvent exercer leurs droits même s'ils ont quitté la société depuis l'attribution et ce, quelles que soient les raisons de leur départ. Toutefois, la décision d'attribution des BSPCE pourra prévoir que les intéressés ne pourront exercer leurs bons que s'ils font toujours partie de la société. Généralement, l’engagement contractuel souscrit par le salarié au moment de l’attribution des BSPCE prévoira l’obligation pour le titulaire quittant l’entreprise d’exercer ses BSPCE dans les 30 ou 60 jours suivant son départ.
Le gain net réalisé par le bénéficiaire l sera imposé lors de la cession des actions souscrites sur exercice des BSPCE. Il correspond à la différence entre le prix de cession des titres net des frais et taxes acquittés par le cédant et leur prix d'acquisition fixé lors de leur attribution.
Pour les bons attribués à compter du 1er janvier 2018, le taux applicable varie en fonction de l’ancienneté du salarié au sein de l’entreprise. Si celui-ci est présent dans l’entreprise depuis plus de trois ans, le taux de droit commun de 12,8% lui sera appliqué sauf option pour le barème de l’impôt sur le revenu. Dans les deux cas, un abattement fixe de 500.000 euros pour les cessions de titres de PME réalisées par les dirigeants lors de leur départ à la retraite peut s’appliquer si les conditions sont réunies pour en bénéficier.
Pour les bénéficiaires exerçant leur activité depuis moins de trois ans dans la société, ou ayant exercé moins de trois ans dans la société, le gain net dégagé est imposable à 30%, sans possibilité d’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, sans bénéfice de l’abattement de 500.000 euros.
Le gain est soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, au taux global de 17,2%, dès le 1er euro.
En cas de mobilité internationale du titulaire du bon, le gain d’exercice (différence entre la valeur du titre à la date d’exercice et le prix d’acquisition) doit être réparti et est imposable dans chaque État au sein duquel le salarié a exercé une activité pendant la période de référence, depuis la date d’attribution du bon, si la rémunération perçue au titre de cette activité est imposable dans l'État considéré en application des dispositions conventionnelles.
1 Prévu à l’article L. 225-129 du Code de commerce.
2 Article L. 225-138 du Code de commerce.
3 Article 1304-2 du Code civil.