Le 12 septembre 2023, la Commission Européenne a soumis aux Etats membres une proposition de Directive sur les prix de transfert afin d’harmoniser les règles et de permettre une pratique commune au sein de l’Union. Son entrée en vigueur était prévue au  1er janvier 2026, cependant, le rapport Ecofin du 24 juin 2024 sur les questions fiscales adressé au Conseil européen, indique que la copie devra être revue afin d’emporter l’adhésion de l’ensembles des Etats membres.

A – LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE

Bien que la quasi-totalité des États membres appliquent et reconnaissent les mérites des principes directeurs de l’OCDE en matière de prix de transfert, le statut et le rôle de ces lignes directrices varient d’un Etat membre à l’autre, ce qui nuit à l’efficacité et à la compétitivité du marché intérieur. Ces distorsions sont également sources de coûts supplémentaires portant préjudice aux investissements transfrontaliers et à la croissance économique.

Afin d’instaurer une approche plus claire et harmonisée des prix de transfert dans l’Union européenne, la Directive a pour objectif d’intégrer le principe de pleine concurrence dans le droit européen, de clarifier le rôle des principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert, d’assurer une application cohérente du principe de pleine concurrence au sein de l’Union et de réduire les cas de double imposition et le double non-imposition, ce qui à terme permettrait d’améliorer la compétitivité et l’efficacité du marché intérieur.

L’introduction de ces règles communes proposées par la Commission conduirait a priori à une modification des législations nationales des États membres.

B – LES PRINCIPALES MESURES DE LA DIRECTIVE

La Directive définit et organise les règles en matière de prix de transfert. Elle rappelle que lesdites règles s’appliqueront à la fois aux entités soumises à l’impôt et aux établissements stables situés dans un ou plusieurs Etats membres.

La Directive consacre le principe de pleine concurrence. Son application ne couvre que les transactions intragroupe transfrontalières excluant de son champ d’application, les transactions réalisées  à l’intérieur d’un même Etat [Article 4].

A cet égard, les Etats membres devront veiller à intégrer dans leur législation, toutes les mesures nécessaires pour inclure dans les bénéfices imposables des entreprises associées, tout résultat qui n’aurait pas été réalisé conformément au principe de pleine concurrence

La proposition de Directive donne également des indications sur la manière dont doivent être identifiées et délimitées les relations commerciales ou financières entre entreprises associées afin d’appliquer ce principe de pleine concurrence, en prenant notamment en compte le secteur d’activité dans lequel les entreprises exercent, une analyse de leur fonctionnement et de leurs caractéristiques économiquement significatives. [Article 8].

De plus, lorsque le prix des transactions intragroupe ne serait pas conforme au principe de pleine concurrence, la Directive propose aux Etats membres, des ajustements corrélatifs et compensatoires, pour éviter la double imposition, en assortissant ces mécanismes de conditions. [Article 6]

Enfin, la Directive dresse une liste limitative des différentes méthodes de prix de transfert [la méthode du prix comparable sur le marché libre (CUP), la méthode du prix de revente, la méthode du coût majoré (Cost+), la méthode transactionnelle de la marge nette, et la méthode de partage des bénéfices (Article 9)].

Elle donne également une grille de lecture pour déterminer la méthode la plus appropriée. Elle tient compte des forces et faiblesses de chaque méthode, sa cohérence selon la nature de la transaction, les fonctions de chaque entreprise, le degré de comparabilité entre les transactions contrôlées et les transactions sur le marché libre et la disponibilité d’informations.

C - Les principales CONSEQUENCES DE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EN DROIT  FRANCAIS

En France, la transposition de cette directive aurait pour conséquence la modification de certaines définitions fiscales. En effet, sur la définition de « contrôle », l’article 5 de la proposition de Directive retient un seuil de détention de minimum 25% dans les droits de vote, le capital ou le bénéfice d’une entité. Or, en droit fiscal français, la notion de lien de dépendance prévu à l’article 39.12° du CGI conditionne la caractérisation d’un lien de dépendance à un seuil de détention minimum de 50%.

Par ailleurs, un mécanisme d’ajustement corrélatif à l’initiative du contribuable pour éliminer la double imposition est proposé dans le cadre d’une procédure accélérée prévoyant un délai de 180 jours.

Enfin, et de manière inédite, la Directive impose l’utilisation de l’intervalle interquartile et prévoit qu’en cas de contrôle, si les résultats d’une transaction se situent en dehors de l’intervalle de pleine concurrence, l’ajustement soit opéré à la médiane sauf à démontrer qu’un autre point de l’intervalle serait plus adéquat.

D – L’ABSENCE DE CONSENSUS ENTRE LES ETATS MEMBRES

La proposition de la Commission doit être approuvée à l’unanimité par tous les États membres de l’Union européenne au sein du Conseil avant de pouvoir entrer en vigueur.

Si la proposition était adoptée par le Conseil, la Directive entrerait en vigueur le 1er janvier 2026. Dans un rapport ECOFIN établit le 24 juin 2024 et élaboré par le groupe « Questions fiscales » qui traite des questions de politiques fiscales au sein du Conseil européen, les désaccords de certains Etats apparaissent clairement.

Dans un premier temps, le rapport rappelle que les Etats membres sont favorables à la proposition de Directive en matière de prix de transfert et qu’ils trouvent ce projet ambitieux compte tenu des objectifs poursuivis que nous avons rappelés plus haut.

Dans un second temps, ce rapport fait état de préoccupations voire d’oppositions de la part de certains Etats membres.  En effet, ces derniers sont hostiles à l’inclusion de règles de prix de transfert dans une directive, mais également préoccupés face d’une part, au risque de créer deux poids, deux mesures dans le domaine des prix de transfert, et d’autre part à la perte de marge de négociation dans l’application des principes de l’OCDE.

E – DES ECHANGES SUPPLEMENTAIRES ENTRE LES ETATS MEMBRES SONT A L’ORDRE DU JOUR.

De nouveaux échanges devront avoir lieu entre les Etats membres, sur des sujets essentiels tels que le statut octroyé aux principes de l’OCDE, les modalités d’application de cette directive aux transactions transfrontalières impliquant des entités et des administrations fiscales d’Etats tiers, ou encore sur la définition du champ d’application des règles de procédure applicables en matière de prix de transfert à l’échelle de l’Union.

F – QUEL AVENIR POUR CETTE DIRECTIVE ?

Si le rapport ECOFIN souligne que des travaux supplémentaires, seront nécessaires pour emporter l’adhésion de l’ensemble des Etats membres, il indique également que les Etats membres auraient songé à l’établissement d’une plateforme de l’UE en matière de prix de transfert à l’instar de feu le Forum Conjoint sur les prix de transfert aujourd’hui inactif. Ce projet prendrait la forme d’un forum non-contraignant dont les contours restent encore à déterminer [composition de la plateforme, structure institutionnelle, mandat, gouvernance, règles de vote…].

La simple détermination desdits contours pourrait prendre des mois, renvoyant l’entrée en vigueur de la proposition de Directive modifiée aux calendes grecques…

La proposition de Directive prix de transfert renvoyée aux calendes grecques ?

La proposition de Directive prix de transfert renvoyée aux calendes grecques ?

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