Bénéficier d’un environnement actuel favorable avant un possible durcissement

Le régime de l’article 787 B du Code Général des Impôts (CGI), couramment appelé « Pacte Dutreil », permet d’exonérer, sous certaines conditions, les trois quarts de la valeur des titres des sociétés, pour le calcul des droits de donation ou de succession. 

À la suite des dernières modifications législatives et des décisions rendues ces dernières années, la mise à jour de la doctrine administrative en mai 2024 offre une période relativement favorable à sa mise en place, en clarifiant les modalités d’appréciation de certaines conditions pour en bénéficier et ce, avant de possibles restrictions ?

Les activités éligibles

L’article 787 B du CGI modifié par la loi de finances pour 2024 précise désormais la nature des activités commerciales, industrielles, agricoles, artisanales et libérales (ICAAL) que les sociétés doivent exercer afin que l’exonération puisse s’appliquer.

Les activités de gestion par une société de son propre patrimoine mobilier ou immobilier sont ainsi expressément exclues. 

Cette précision conforte la position de l’administration fiscale et fait échec aux décisions des juridictions ayant admis l’éligibilité des activités de location meublée ou d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation. L’instruction mise à jour en mai 2024 n’est donc pas modifiée sur ce point (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10).

L’article 787 B du CGI modifié précise également que l’activité éligible doit être exercée à titre principal. 

Il vient ainsi entériner le critère posé à la fois par la jurisprudence et par l’instruction. La jurisprudence a ainsi jugé que ce critère s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice. 

Le critère donné à titre de règle pratique par l’instruction reste ainsi inchangé : l’activité éligible est prépondérante lorsque le chiffre d’affaires de la société représente au moins 50% du montant de son chiffre d’affaires total et que la valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50% de la valeur vénale de son actif brut total.

Holdings animatrices de leur groupe (HAG)

La doctrine administrative et la jurisprudence admettaient depuis longtemps l’éligibilité des HAG au dispositif mais elles n’étaient pas spécifiquement visées par l’article 787 B du CGI.

La nouvelle version donne désormais une définition légale des HAG. 

Pour être éligible, une HAG doit avoir pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité ICAAL et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Précisions sur la notion de contrôle

Cette formulation légale s’écarte de celle retenue, jusqu’à présent, par l’administration et la jurisprudence qui se référaient à « la participation active au contrôle des filiales ». Ce changement de formulation pouvait laisser craindre une appréciation plus stricte du critère portant sur le contrôle pour admettre l’éligibilité des HAG au dispositif Dutreil.

L’instruction précise néanmoins que cette définition confirme celle retenue jusqu’à présent par la jurisprudence, et que le contrôle de la holding sur ses filiales s'apprécie au regard du pourcentage de capital détenu et des droits de vote ainsi que de la structure de l'actionnariat. 

L'article L. 233-3 du Code de Commerce qui aurait pu être utilisé pour l’appréciation de cette condition, car listant des situations limitées dans lesquelles une société est considérée comme en contrôlant une autre, est expressément écarté par l’instruction. 

L’interprétation actuelle de la notion de contrôle pourrait ainsi permettre d’élargir les cas d’admission des holdings considérées comme contrôlant les filiales animées, notamment pour certaines holdings ne détenant pas la majorité des droits de vote.

Précisions sur la notion d’activité principale pour les HAG

L’administration profite de cette mise à jour pour assouplir l’appréciation du caractère principal de l’activité d’animation de groupe par une holding. 

La précédente version admettait que cette condition était notamment considérée comme remplie si la valeur vénale des titres des filiales représentait plus de la moitié de l’actif total de la holding. 

Les biens à inclure au numérateur sont désormais expressément élargis aux biens et à la trésorerie de la holding, affectés à l’activité du groupe. 

Cet élargissement confirme les décisions des juridictions prenant pour principe la méthode du faisceau d’indices pour évaluer ce critère, et ayant admis l’inclusion d’actifs autres que les titres des filiales, détenus par les holdings.

La présente instruction permet en outre de prendre en compte au numérateur, la valeur vénale de leurs immeubles détenus directement ou indirectement et qui sont donnés en location exclusivement pour l'exercice de l'activité ICAAL d'une filiale animée. 

Il s’agit d’un changement significatif de position de l’administration fiscale qui refusait jusqu’à présent de retenir ces éléments d’actifs.

Cette tolérance est cependant relativement stricte puisque les biens loués à une société non contrôlée du groupe ou qui n’exerce pas une activité opérationnelle, ou encore à une société tierce, sont exclus. 

Toutefois et contrairement au raisonnement en matière d’IFI, l’exemple donné par l’instruction précise qu’un bien loué à une filiale est retenu pour sa valeur totale, alors même que la holding ne détient pas 100% du capital de la filiale.

Alors même que le Pacte Dutreil doit toujours être utilisé avec prudence, ces clarifications légales, jurisprudentielles et administratives créent un environnement favorable pour réaliser un projet de transmission de société. Il serait dommage de repousser un tel projet.

En effet, il ne s’agira probablement pas de la dernière actualité concernant ce dispositif régulièrement critiqué pour son coût pour les finances publiques. 

Un éventuel durcissement pourrait être apporté, notamment en recentrant l’exonération uniquement sur la valeur des actifs strictement nécessaires à la conduite des activités éligibles (et non sur la valeur totale des titres). Cela serait une source de nouvelles incertitudes et de complexité pour déterminer la valeur exonérée.

Notre équipe se tient à votre disposition pour vous accompagner dans votre projet de transmission de société.